Rencontre avec le réalisateur

Clode Hingant, pouvez-vous nous raconter comment est né ce film, « Chat libre ! » ?

La réalisation d'un documentaire sur les chats errants s'est imposé à moi comme une réponse à ceux qui sont apparus tour à tour dans ma vie et à la cascade d'événements qui a suivi pour m'en débarrasser ou devoir cohabiter avec eux. Une récurrence vécue avec trois chats errants successifs alors que je vis dans un coin de campagne perdu, à côté de Brest dans le Finistère.

Le sort des chats abandonnés suscite une juste indignation mais devoir s'en occuper soi-même et à son corps défendant en est une autre. Certains des personnages que je rencontre ont un comportement héroïque à l'égard de ces chats errants dits à présent chats libres, mais moi j'assume dans le film le rôle de l'égoïste. Je n'en veux pas de ces chats qui me coûtent du temps, de l'énergie et de l'argent et détruisent sans vergogne la biodiversité qui m'entoure. On sait que la situation est déjà critique pour beaucoup d'espèces. J'ai documenté sans plaisir le temps du tournage, dans mon propre jardin, tous ces oiseaux, rongeurs, serpents, insectes, poissons, batraciens massacrés par ces chats redevenus d'excellents prédateurs. Le film parle pour eux aussi. Les gens qui veulent un chaton mignon doivent comprendre que le chat c'est souvent ça au final : la cruauté et le meurtre gratuit de créatures sans défense.

Quelle réaction avoir quand on devient « propriétaire » d'un chat de ce genre ou plutôt quand un félin de ce genre décide de faire sien votre territoire ?

Le film explore les options possibles à la campagne, puis à la ville, dans ce qui tourne à l'enquête. Le législateur a donné des droits au chat libre et ce statut paraîtrait même avantageux, avec néanmoins un corollaire désagréable, et pas des moindres, un passage par la stérilisation. Pour mes différents interlocuteurs, la stérilisation de tous ces animaux errants fait consensus mais sur les notions d'enfermement ou de liberté de ces chats, sur la responsabilité de les tenir en cage très longtemps dans les refuges, il y a de gros désaccords.

La plupart des chats ramassés sur la voie publique sont aptes de nouveau à la domesticité et rentrent dans le circuit des adoptions. Un chat errant, si l'autorité publique s'en saisit, est remis après stérilisation là où on l'a trouvé et devient un chat libre. Celui qui aurait eu à se plaindre de la présence de cet animal dans son environnement proche devra de toute façon composer avec lui. Tous les citoyens ne sont cependant pas égaux face à ce problème et les services sanitaires, sous l'autorité des maires, adoptent des approches très variées d'une commune à l'autre, d'autant que le bien être animal revêt parfois différentes interprétations et surtout un prix que pas grand monde ne veut ou ne peut payer.

En quoi ce documentaire apporte-t-il un reflet de notre époque ?

Le film dresse, en creux, le portrait d'un type de chat qui quitte, volontairement ou pas, la domesticité pour une vie à l'extérieur, qui ne supporte pas d'être enfermé et garde une grande méfiance à l'égard des êtres humains. Anciennement ce genre de chat un peu caractériel finissait, semble-t-il, discrètement euthanasié. Le qualificatif de chat libre qui lui est donné aujourd'hui illustre bien ce changement de regard de la société sur ces animaux qui ont à présent des droits étendus, bien plus d'ailleurs que les autres espèces animales et en particulier de leurs victimes de prédation.

Oui, certains chats veulent vivre libres, courir partout et faire tout ce qui leur semble bon, quoi de plus normal ? A force, j'ai été bien obligé de comprendre leur point de vue. De l'avis de toutes les personnes que j'ai rencontrées, les abandons de chats sont de plus en plus nombreux, donc impossible de faire comme si ça n'existait pas, il faudra vivre avec. J'essaye de faire partager mes interrogations face à une situation complexe, avec en tête les questions : quoi faire, qui fait quoi, comment trouver de l'aide, et que dit la loi ? Il y a sûrement en plus une parabole ou deux derrière cette histoire de chats errants qui se déroule sur fond de confinement et de Covid-19. Je laisse au spectateur le soin de deviner lesquelles...

Biographie du réalisateur

Natif de Douarnenez, après une enfance à Bannalec, Clode Hingant vit actuellement dans la région de Brest. Dessinateur avant d'étre réalisateur, il continue aujourd'hui dans la création graphique sur ordinateur. Assez éclectique, il touche à plusieurs genres et parfois les mélange : fiction, animation mais il est surtout connu pour des documentaires de création. Parmi ses films primés en festivals on peut voir notamment les documentaires « L'ombre du voisin » et « Rustica », ainsi que le court-métrage de fiction « Mona Lisier », avec Clémentine Célarié et Bernard Farcy (diffusion Canal +).